Il est
temps que le Processus de Barcelone reprenne son voi!
di Antonio
Badini
La création, il y a sept ans, à Barcelone du Partenariat euro-méditerranéen a tiré une ligne de démarcation entre une Méditerranée « facteur de risque » et une Méditerranée « nouvelle frontière » du rôle de stabilité et de paix de l’UE.
L’Italie, qui assura la Présidence européenne au cours du premier semestre
1996, fut appelée à vérifier sur le terrain la validité d’un projet audacieux
mais sans aucun doute à la portée de ses ambitions.
En ma qualité de président temporaire du « Comité de Barcelone »,
je puis affirmer que mon pays s’attacha surtout à sauvegarder la dynamique
politique de ce projet- nous avons encouragé une grande mobilisation de la
société civile (entrepreneurs, académiciens, intellectuels, scientifiques) dans
le but d’assurer un soutien adéquat à l’action du Gouvernement. Jamais comme à
cette époque autant de réunions ne furent organisées à tous les niveaux de
responsabilité et dans les différents domaines d’activité.
Un pari aussi difficile que celui de miser sur les pas de la rive sud de la
Méditerranée en tant que co-acteurs et partenaires d’une zone de libre-échange
ne pouvait être remporté qu’à condition de modifier les critères d’appréciation
des instances décisionnelles européennes et internationales et de rompre avec
les tabous et les stéréotypes figés dans les opinions publiques. Le déclin et
la marginalisation de la rive sud de la Méditerranée étaient devant les yeux de
tout le monde. Seul un effort extraordinaire et synergique des Etats de l’UE
dans leur ensemble permettrait d’accomplir une tache aussi complexe, vis-à-vis
de laquelle les fonds MEDA, de l’ordre de 4600 millions d’euros sur cinq ans,
ne pouvaient que remplir une simple fonction de catalyseur ou, pour reprendre
une expression américaine, de « seed money ».
Quel était donc le rôle des fonds MEDA ? Sûrement pas celui de promouvoir les prêts de la BEI,
importants mais déjà obtenus par les pays de la rive sud grâce aux garanties
dont ils bénéficiant. En réalité, il fallait impliquer les investisseurs et les
banquiers privés, accroître le seuil de la confiance et améliorer la perception
réciproque entre les deux rives. Plusieurs « chantiers » furent donc
inaugurés, mais dans le temps toutes ces initiatives connurent un processus
subit de correction et l’on passa du déterminisme politique à la simple gestion
La Commission de l’UE se précipita à imposer des règles et des critères rédigés et conçus en Europe
à l’instar du meilleur technocratisme. Mais on ne prit pas assez en compte la
nécessité de respecter l’esprit du Partenariat et les objectives que celui-ci
aurait du se fixer.
Les banques, les établissements financiers, les agences d’assurances des
capitaux, les entreprises, institutes de recherche scientifique et
technologique, les entreprises, les académies, les hommes de lettres n’ont été
que des spectateurs de ce jeu, et parfois ils sont même restés hors du stade.
Les équipes des « professionnels de Bruxelles » se sont
appropriées du terrain de jeu, des légions de conseillers, d’experts et de
spécialistes qui travaillent tout au plus à améliorer le record des travaux
inaccomplis ou jamais commencés.
On dira que les règles sont nécessaires pour assurer l’égalité des chances,
le traitement équitable de tous et la
plus grande transparence. Rien de plus vrai. Toujours est-il que règles ne
constituent pas le but d’une action, mais plutôt un instrument. Elles n’ont pas
été conçues pour entraver et prendre en otage la volonté politique. Il ne faut
jamais perdre de vue la perspective de faire de la Méditerranée une zone de
stabilité et de prospérité partagées. On évoque souvent la reprise du conflit
arabo-israélien pour expliquer
l’affaiblissement du Processus de Barcelone. Toutefois, on ne s’interroge pas
assez sur l’impact, dans l’attitude des pays arabes, du faible soutien qu’ils
tirent des fonds MEDA. Même au cours de la Présidence italienne de fortes
tensions se manifestèrent dans la région à la suite de la victoire remportée
par les conservateurs dans les élections israéliennes d’avril 1996, mais
personne ne déserta les réunions ni ne songea à boycotter la réalisation de
projets et d’initiatives. Lorsque les intérêts nationaux en jeu sont clairs,
les gens réfléchissent deux fois avant d’entreprendre des actions susceptibles
de les menacer.
D’après l’examen des indicateurs économiques et sociaux, l’on s’aperçoit
que le partenariat n’a eu aucun impact réel sur les tendances principales, qui
continuent de pousser vers l’approfondissement plutôt que la réduction du fossé
qui sépare les deux rives de la Méditerranée.
Les investissements européens dans la région ne sont que de l’ordre de 1%
du total. En outre, 5% seulement de l’ensemble des investissements en faveur des
pays en développement est destiné à la Méditerranée.
La part de l’échange commerciale extérieur entre les pays de la rive sud ne
s’élève qu’à 8% du total.
Pour leur part, les agences d’assurances continuent à limiter le plafond
des crédits à l’exportation assurable et à appliquer des primes onéreuses,
alors que les banques sont tenues d’assurer des provisions de fonds à hauteur
de 25% des prêts qu’elles octroyant aux pays de la Méditerranée, pour des
délais de plus de 18 mois.
Si ces tendances ne subissent pas une inversion, il sera impossible de voir
l’aube se lever sur le libre-échange en Méditerranée. Un nouvel essor s’impose
et le fait que l’Espagne aujourd’hui et l’Italie dans un an et demi assument la
Présidence de l’UE nous fait bien augurer de l’avenir. Notre espoir est que la
Conférence de Valence du mois d’avril imprime un nouvel élan à un processus
quelque peu affaibli et que ce qui restera inachevé à la fin de la Présidence
espagnole devienne la plate-forme de la Présidence italienne dans le deuxième
semestre 2003.
Les Gouvernements des deux pays discutent depuis longtemps et à Palerme, au
mois de décembre, les premières ententes ont été ébauchées. D’autres réunions
sont prévues avec un objectif prioritaire à l’ordre du jour : la création
d’une Banque pour la Méditerranée ou en tout cas d’un outil de facilitation
financière pour le soutien des investissements et des travaux nécessaires à les
encourager.